Critique de Dunkerque
Avec Dunkerque, je dois dire que pour ma part, l'attente était moins grande qu'avec les dernières réalisations de Christopher Nolan. C'est la première fois qu'un de ses films est basé sur des faits réels, en l’occurrence : La Seconde Guerre Mondiale, sujet ayant déjà été traité à de multiples reprises au cinéma. Puis le casting a été annoncé : de vieilles connaissances comme Tom Hardy et Cillian Murphy, des acteurs connus comme Mark Rylance et Kenneth Brannagh, puis des jeunes moins connus : Fionn Whitehead, Tom Glynn-Carney, Aneurin Barnard, Barry Keogan, Jack Lowden et Harry Styles. Bon, ce dernier n'est pas inconnu puisque membre du groupe One Direction. Une distribution sans réelle grosse tête d'affiche... intéressant. Mais là ou ma curiosité a été attisée, c'est lorsque l'on a appris de la bouche du réalisateur que Dunkerque ne serait pas un film de guerre, mais un film de survie.
Résumé
Dunkerque se déroule en mai 1940. 400 000 soldats britanniques sont encerclés par les allemands sur les plages de Dunkerque. Leur unique but : survivre. Nous suivons trois groupes, situés à des endroits différents : la jetée, la mer, les airs. Grande originalité du film, ces trois histoires se déroulent sur trois laps de temps différents : une semaine pour la jetée, un jour pour la mer et une heure pour les airs. La première histoire nous montre le parcours des soldats pour tenter de rentrer chez eux, la deuxième suit le propriétaire anglais d'un bateau réquisitionné pour aider à aller chercher des soldats coincés à Dunkerque, et la troisième nous place avec deux pilotes de l'aviation britannique qui font leur possible pour chasser l'ennemi avant que celui-ci ne bombarde les soldats. Ces trois points de vus vont s'entremêler au fur et à mesure du film, mais attention rien de complexe comme ont pu paraître Inception ou Interstellar.
Une distribution parfaite
A l'annonce du casting, nous pouvions craindre le manque d'une réelle tête d'affiche. Mais non, tous les acteurs sont excellent : Fionn Whitehead, qui campe ici son premier rôle au cinéma, est parfait. Même chose pour Harry Style. C'est d'ailleurs ce dernier qui me faisait peur. Un chanteur de boys band ?... Et bien il s'en tire à merveille. C'est un des meilleurs, si ce n'est le meilleur rôle du film. Et rien à redire sur les autres non plus, tous sont très très justes. Le choix de Christopher Nolan de mettre de jeunes acteurs peu connus pour jouer les soldats est tout à fait justifié. Dunkerque est en réalité un film choral, aucun acteur ne prend plus d'importance qu'un autre. On ne souhaite donc pas spécialement qu'un personnage s'en sorte plus qu'un autre,
il faut qu'ils s'en sortent tous.
Les sensations et émotions au premier plan
Dès les premières minutes on sent qu'on n'aura pas affaire à un film de guerre classique. Quelques phrases pour nous présenter (très) rapidement le contexte et le film démarre. La scène d'introduction nous fait suivre Tommy (Fionn Whitehead), qui sera, sans être réellement le rôle principal, une sorte de fil conducteur du film. Accompagné de quelques soldats, il se font rapidement tirer dessus. Une seule solution : fuir. Cette tension, qui commence seulement après quelques minutes, ne cessera jamais avant la fin du film. Alors qu'à l'habitude, Christopher Nolan prend tout son temps pour poser l'histoire et introduire les personnages, ici nous ne savons absolument rien de leur passé et l'histoire démarre presque instantanément. On pourrait craindre un manque d'attachement aux différents protagonistes, mais il n'en est rien. La tension est si forte, et le but si simple, si primaire, qu'on est immédiatement accroché au destin de ces jeunes soldats.
La tension permanente est accentuée par la musique, signée une nouvelle fois Hans Zimmer. Dès les premiers coups de feu, un tic-tac nous poursuit tout au long du film accentuant l'ambiance stressante. Un travail phénoménal a été fait sur l'ambiance sonore. Interstellar nous avait habitués à des effets sonores très travaillés, Dunkerque pousse la chose encore plus loin. La moindre attaque, qu'elle vienne des airs ou au sol nous tombe vraiment dessus, et nous place au même niveau que les soldats.
La caméra se place souvent au plus près d'eux, ce qui donne lieu à des scènes plutôt intimistes. Christopher Nolan a toujours privilégié le tournage réel aux effets numériques. Plus de 1500 figurants étaient présents pour le tournage, de vrais bateaux ont été réquisitionnés, et 75% du film a été tourné avec des caméras IMAX. Dommage cependant que tout le monde ne puisse pas accéder à cette technologie, puisque à peine une dizaine de salle en France la proposent actuellement. Tous ces choix de réalisation participent à l'ambiance réaliste souhaitée par le réalisateur, et cela fonctionne à merveille. Grâce à un fantastique travail de montage, la tension ne retombe jamais. Le passage de l'un à l'autre des points de vue, terre, mer et air, se fait sans temps mort et avec une fluidité parfaite, le spectateur n'a pas une minute pour reprendre son souffle.
L'ennemi contre lequel on ne peut pas lutter
Le choix a été fait de ne (presque) pas montrer l'ennemi. Cela rapproche encore plus des soldats, puisque même dans les moments ou il semble y avoir un peu de répit, nous sommes constamment sur nos gardes, craignant une attaque pouvant venir de n'importe ou. Un ennemi invisible contre lequel personne ne peut lutter. Cet ennemi, c'est bien sur l'armée allemande... mais ce n'est pas le seul ennemi.
La mer est également présentée comme un ennemi contre lequel on ne peut pas lutter. Les soldats qui parviennent à embarquer ont toujours le risque de se faire torpiller et par conséquent de se noyer. Et ceux qui doivent embarquer sont dépendants des éléments (le vent, la marée...) pour monter dans un bateau et rentrer. Peu importe que les soldats se trouvent sur terre, sur mer ou dans les airs, l'ennemi, ou plutôt, les ennemis sont toujours à craindre. La peur est omniprésente à chaque scène. Cette peur de l'eau, ou de la noyade, n'est pas une première pour Christopher Nolan. Il suffit de revoir la scène de poursuite d'Insomnia, la tour de la cuve remplie d'eau dans Le Prestige ou encore la planète aquatique dans Interstellar.
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Le pari est réussi, Dunkerque est une incroyable expérience de survie. En mettant de côté le développement des personnages mais en développant l'immersion, Christopher Nolan réussi le tour de force de placer le spectateur en plein cœur de l'action. Les acteurs ne sont pas en reste et sont tous impeccables dans leurs rôles respectifs. On s'attache rapidement à ces soldats qui luttent pour survivre. La peur et la survie sont le leitmotiv du film. Celles-ci sont admirablement retranscrites par une ambiance sonore et des images à couper le souffle. On ressort d'ailleurs épuisé du spectacle que l'on vient, non pas de voir, mais de vivre. Comme Christopher Nolan l'a souhaité, Dunkerque est une ode à la survie. Jamais le discours de Winston Churchill, donné le 4 juin 1940, n'aura eu une telle portée : Nous ne nous rendrons jamais.